quand la police politique travaille sur une bête affaire de tags...

Bonjour à tou-te-s, arrestation.JPG

Vous que je connais de prêt ou de loin, de Paris, de Bourges ou d'ailleurs, je vous transmets le résumé de mes 62h de "privation de liberté", (48h de garde-à-vue puis 14h de dépôt du Palais de Justice) à Paris entre le vendredi 16 et le dimanche 18 novembre 2012.

Ceci pour "dégradation légère de bien privé en réunion" (5 affiches collées et quelques phrases écrites au feutre "Posca"). Comme c'est politique (contre le projet d'aéroport à Notre Dame des Landes), ça passe mal... et on nous le fait payer. Assez cher.

  • Diffusez-le, parlez-en, posez des questions, écrivez un article, postez-le

sur facebook ou twitter* : *d'ici notre procès le 16 JANVIER 2013 AU TGI DE PARIS À 9H, il faut médiatiser le plus possible ce qui se passe en France sous ce gouvernement, que cela concerne Notre-Dame des Landes ou non.*

Un rassemblement est organisé en même temps que notre jugement : devant le TGI, au 4, Bd du Palais, 75001 Paris à 8H30 le mercredi 16 janvier 2013. Nous avons besoin d'un maximum de monde pour montrer que nous ne sommes pas seuls face à la répression et que notre traitement est disproportionné par rapport aux faits reprochés.

Bonne journée

Solen Ferrandon-Bescon

Deux jours avec les profleurs du SIT : quand la police politique travaille sur une bête afaire de tags... VENDREDI 16 NOVEMBRE Interpellation Il est 1:15, le matin de ce vendredi 16 novembre, quand une voiture de la police de proximité s'arrête au niveau du 150 avenue Daumesnil (Paris XII). Nous sommes alors deux sur le trottoir juste devant une permanence des élus du Parti Socialiste. Et sur les murs de celle-ci, quelques inscriptions au marqueur et une série d'afches concernant la manifestation de réoccupation de la Zone À Défendre à Notre-Dame des Landes sont apposées là pour soutenir la lutte contre le projet d'aéroport. Les trois fcs sortent précipitamment du véhicule et entreprennent de nous interpeller. Fouille puis inventaire (avec photographies) des « dégradations », avant d’annoncer au talkie-walkie l’objet de leur intervention. Ils étaient partis pour tapage nocturne, les voilà impliqués dans une afaire de terrorisme... Mon ami est placé dans une voiture et j’attends patiemment en discutant avec le plus jeune des fonctionnaires. Motif invoqué : « Outrage à personne chargée d’une mission de service public » (Article 433-5 du Code Pénal). Il semblerait que l'inscription « Ayrault-porc, nous serons ta Bérézina » relevée sur la façade soit à l'origine de l'inculpation. Nous allons être transférés dans les locaux du Service d'Investigation Transversale, situés rue Riquet dans le XIXe arrondissement. Voici quelques informations sur ce malheureusement fameux « SIT » : http://paris.indymedia.org/spip.php?article7092 Et voilà que les deux voitures de police qui nous emmènent sont lancées à 90km/h sur les avenues de Paris, manquant à chaque intersection de tuer un cycliste pour être certains de vraiment s’amuser. D’ailleurs, l’oubli des marqueurs sur le rebord de la fenêtre de la permanence justifera un retour express sur le lieu des faits, encore plus sportif. Arrestation + 30 minutes : transfert au SSIT (Paris 19ème) 1:15, nous sommes placés menottés dans le hall du commissariat. Un cow-boy présent dans le hall écrabouille la mâchoire de mon collègue parce qu’il a osé chuchoter alors qu’il nous avait demandé de la boucler. Mise en condition accompagné d’un « C’est moi qui décide ici, ok ? ». On m’interroge pour savoir si j’ai un rapport avec une banderole accrochée dans l’après-midi du jeudi Place Daumesnil. Manque de bol, je n’en sais rien. Le fc du bureau me présente le PV où il est inscrit l’outrage que l’on nous reproche : je refuse de signer. Ça ne change rien, mais pour le principe. Il est temps d’être fouillé devant la brute et deux policiers curieux au regard railleur : chaque vêtement est l’occasion de moqueries. J’aime la couleur, apparemment eux non. On nous place en cellule : les clapiers puent l’humidité. D'autres gars sont déjà là, accusés de cambriolage. Forcément, c'est aussi une des spécialités du SIT d'enquêter sur ce type d'afaires, en plus des « violences urbaines », des « phénomènes de bandes », du « racolage » et de certaines afaires « sensibles » incombant à la Direction de la Police Urbaine de Proximité (DPUP). Plus tard, au milieu de la nuit, on nous réveille pour que l’on passe aux photographies et au prélèvement de l’ADN. « Ha non, non ! Je refuse ». Mon copain rétorquera la même. Un nouveau chef d'inculpation apparaît dans notre procédure : « refus de se soumettre à un prélèvement biologique » (Article 706 du Code Pénal). L’enquêteur du SIT profte que je sois réveillé pour se permettre une audition ofcieuse, c’est-à-dire qu’il m’emmène dans le garage sous prétexte qu’il n’apprécie pas l’acoustique du couloir des cellules et me pose des questions sur mon engagement, sur mes liens avec des militants, sur la raison de ma sensibilité à cette lutte... Bien sûr, simple curiosité. Arrestation + 11 heures : transfert au 27 boulevard Bourdon (Paris 4ème) Alors que nous sommes enroulés dans les couvertures dégueulasses de la taule Riquet pour résister au froid, des fcs viennent nous tirer de nos cellules pour nous emmener dans les autres locaux du SIT près de Bastille. Toujours menottés, on nous sort de la voiture et on nous fait entrer par la petite porte à l’arrière du commissariat située rue de l'Arsenal, puis on nous colle dans deux cellules juxtaposées du poste de police. Un fc nous explique gentiment comment utiliser le robinet et la toilette turque qu'il y a dans chaque cellule. En tout cas, les cellules sont plus propres et moins glauques qu'à Riquet. Mais une taule reste une taule. Quelques temps après, entretien avec nos avocates respectives et première audition. Alison est en présence de nos avocats et nous demande ce que nous avons à déclarer, quelle est notre version des faits, à savoir quand et comment nous nous sommes trouvés devant la permanence du PS et, si oui, de quelle manière nous en avons gribouillé les murs. Elle nous interroge aussi sur nos raisons de refuser de tourner le coton-tige dans notre bouche (prélèvement ADN pour le fchier FNAEG). Elle nous sort l'argument classique : « si c'était ta flle qui s'était faite violer, tu serais content qu'on retrouve le violeur avec son ADN ». Que dire ? Je lui dis que je suis d’accord, puis je me tais, c’est mieux. Dans l'après-midi, coup d'éclat. On nous notife une supplétive de garde-à-vue : dix nouveaux chefs d'inculpation s'ajoutent à ceux d'outrage et de refus de prélèvement de notre ADN. Quelqu'un quelque part a suggéré aux braves agents du SIT de nous interroger sur dix autres faits de dégradations commis à l'encontre de diférents locaux du Parti Socialiste entre le 28 octobre et le 10 novembre ! Que de faits d'armes à notre actif ! Arrestation + 17 heures : prolongation de la GAV de 24 heures Et après 19 heures, le procureur a décidé du prolongement de notre garde-à-vue, le SIT prend congé de nous pour une longue nuit de silence. Toutes les cellules sont occupées et la nuit apporte de nouveaux voisins, certains interpellés pour bagarre, d'autres pour état d'ivresse. Les loquets des autres cellules claquent, des gens passent et repassent dans le couloir, puis fnalement le sommeil fnit par venir alors que l’attente est plus que difcile à supporter. SAMEDI 17 NOVEMBRE 2012 Arrestation + 32 heures : perquisitions L'enquête a pris soudainement une autre dimension. Je suis emmené chez moi, pour une perquisition, tout comme mon pote. L’OPJ (Ofcier de Police Judiciaire) Hélène T. et ses collègues recherchent des pochoirs qui auraient servis à « dégrader » d’autres permanences. Pas de mandat, puisqu'on est dans le cadre d'une enquête de fagrance. « Flagrance », ça veut dire que la police fait ce qu'elle veut dans un délai de 7 jours suivant l'arrestation en fagrant délit. Ils sont à la recherche « d'éléments préparatoires » (en gros, d'indices permettant d'attester que les inscriptions auraient été préparées chez nous). Arrivés chez moi, ils prennent mon ordinateur portable, des bombes de peinture, un plan de Notre-Dame des Landes, des notes prises en réunion au B17, un feutre Posca, un tract de SUD concernant la lutte contre l’aéroport, des photographies de mon appartement décorés de multiples dessins, afches, et citations... Du côté de mon ami, c’est un peu plus conséquent : ils prennent des documents personnels permettant de retracer son parcours politique et l'ensemble de son matériel informatique (trois ordinateurs contenant 4 disques durs, 2 disques durs externes, plusieurs clés USB, un caméscope...). Ils ont aussi fouillé le véhicule qu’une copine lui a prêté pour un temps, véhicule localisé par l'un de leur collègue la veille (si ça ce n'est pas de l’espionnage digne d'une police politique). Dans le cofre, ils trouveront deux bombes de peinture blanche et jaune et un façon de peinture rouge : d'autres « éléments préparatoires ». Arrestation + 38 heures : avec les fcs informaticiens de la BEFTI Après la pause de midi et alors qu'on s'assoupit dans les cellules, nous monterons chacun notre tour, au troisième étage du commissariat, où des fcs de la Brigade d'Enquête sur les Fraudes aux Technologie de l'Information (BEFTI) analyse notre matériel. D’autres fcs qui n’ont aucun lien avec notre afaire, sont présents pour nous interroger. Là, tout le matériel informatique saisi dans nos appartements est passé au crible à l'aide du logiciel EnCase Forensic for Law Enforcement et d'appareils de blocage en écriture. Tous les fchiers, y compris préalablement supprimés, sont extraits et analysés à partir de mots clés en rapport avec les faits de dégradation : « parti socialiste », « zad »... Toutes nos photographies et documents personnels passent sous les yeux des techniciens-fcs, qui démontent et analysent nos ordinateurs pendant plusieurs heures. Ce qui les intéresse est gravé sur un CD-ROM et ajouté aux scellés. Arrestation + 40 heures : ultime audition La dernière audition porte sur les faits commis à l'encontre des diférents locaux du PS au cours du dernier mois. On nous demande de commenter. On n'a évidemment rien à dire, puisqu'on n'y était pas. Les fcs qui m’interrogent, spécialistes des cambriolages, paraissent sympathiques. Mais ils sont fcs. Toujours se le rappeler. Arrestation + 44 heures : fn de la GAV et transfert au dépôt du Palais de Justice Vers 20:00, on nous notife la fn de notre garde-à-vue et notre transfert dans les quatre heures vers le dépôt du Palais de Justice, métro Cité, sur l’Ile de la Cité. On nous dit que notre matériel informatique nous sera rendu dans les trois jours, excepté les peintures, quelques documents et nos portables, qui restent sous scellé (apparemment, un service spécialisé est chargé d’analyser nos mobiles, mais celui-ci n’est pas ouvert le week-end, ils doivent les garder au chaud). DIMANCHE 18 NOVEMBRE Alors que nous dormons, à 1:25 le dimanche matin, une équipe de la police de proximité vient nous chercher pour nous amener à Cité. Dans le fourgon, l'une des fique fait part à sa collègue de sa déception d'être avec nous au lieu d'intervenir sur une bagarre, exprimant son envie de « cogner sur quelqu'un » : la fnesse au milieu de la barbarie... Arrivés sur place, nous sommes placés en cellule dans le dépôt du Palais de Justice. C’est une grosse prison avec plus d'une soixantaine de cellules alignées sur deux étages, avec des coursives comme à Fresnes. Tout est clean depuis que le dépôt a été rénové en 2010 et après que le Conseil de l'Ordre des avocats avait dénoncé son insalubrité en 2009. Mais l'endroit reste afreusement glauque. Arrestation + 57 heures : transfert vers la cage des déférés Nous sommes réveillés vers 9 heures du matin pour être emmenés, à travers les couloirs souterrains, jusqu'au Palais de Justice, menottés et accompagnés chacun d'un gendarme qui nous tire comme un maitre son chien. Placés ensuite dans une cage collective sous la bonne garde d'un groupe de gendarmes, nous attendons un entretien avec l'assistance sociale censée établir nos « garanties de représentation » (c'est-à-dire des faits ou documents démontrant que nous sommes socialement intégrés), puis avec notre avocat et enfn avec le procureur qui doit décider de notre sort. Arrestation + 62 heures : passage devant le procureur et remise en liberté Peu avant quinze heures, nous passons fnalement devant M O. Mesrine, vice-procureur, après avoir attendu près de cinq heures dans la cage des déférés. L'entrevue avec le procureur dure quelques minutes, juste le temps de se voir remettre une convocation pour le 16 janvier 2013 à 9H00 devant la 24E Chambre – 1 du Tribunal de Grande Instance de Paris (4, rue Bd du Palais, 75001 Paris) et une fche de sortie du dépôt. Retour au dépôt, remise de nos fouilles. On ne me rendra pas mes clés d’appartement, qui sont restées – sciemment ou non, je ne le saurai jamais – dans une armoire dans un bureau du SIT. Mon téléphone portable étant toujours dans les mains de cette police résolument politique depuis l’arrestation, j’ai pu tout de même dormir au chaud. Enfn sortis, après 62 heures enfermés pour des dégradations légères ! Précisons qu'entre temps, l'inculpation pour outrage a disparu des PV et que le tribunal ne semble pas retenir (pour l'instant) les faits commis sur les autres permanence PS au cours du mois passé. Heureux de savoir que l'ensemble de mes données personnelles sont passées entre les mains des fcs... pour rien ! Que cherchaient vraiment les fcs du SIT ? En quoi l'accumulation d'éléments relatifs à nos appartenances politiques et une perquisition à notre domicile permettent-elles de déterminer notre participation à des dégradations ? Disproportionné, dingue, désolant, déprimant sont des mots qui reviennent souvent lorsque je parle de cette afaire à mes amis depuis une semaine.

Marcelo

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