Le Collectif des blessés par flasball reçu par la commision d'enquête sur le maintien de l'ordre

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Passe d’armes matinale à l’Assemblée, entre députés et blessés du flashball

extrait

Ce jeudi matin, quatre personnes ayant été blessées au visage par des tirs de flashball – lors d’un match de foot, d’une manifestation ou d’une évacuation de squat – et les parents de deux d’entre eux ont fait le déplacement jusqu’à l’Assemblée nationale. Ils sont auditionnés par la commission d’enquête sur le maintien de l’ordre, constituée peu après le décès de Rémi Fraisse à Sivens et présidée par Noël Mamère (écologiste).

Depuis quelques mois, une dizaine de ces blessés – sur une trentaine recensée – se sont regroupés en collectif, l’Assemblée des blessés. Présents lors de diverses manifestations contre les violences policières, ou au procès du gardien de la paix qui a éborgné Geoffrey Tidjani lors d’une manifestation lycéenne, c’était leur première prise de parole collective devant une institution. La vidéo est en ligne sur le site de l’Assemblée nationale.

Des parlementaires agacés

Pierre Douillard, blessé à Nantes en 2007, alors que le lanceur de balles de défense (LBD) était encore en phase d’expérimentation, parle le premier. Il rappelle que cette semaine, à Mayotte, a lieu le procès d’un gendarme ayant tiré sur un enfant de 9 ans, en 2011.

« Toute personne blessée ou tuée par la police réveille nos propres blessures. »

Le début de sa déclaration, préparée en amont et lue au micro, irrite quelque peu les députés présents. Pierre Douillard leur reproche « le temps réservé aux policiers et gendarmes » et la « complaisance de certains commissaires » lors de ces auditions :

« On a plus entendu parler de la violence supposée des manifestants que de celle des forces de l’ordre. »

Noël Mamère interrompt le jeune homme, en lui rappelant « les règles de respect mutuel » :

« Je comprends votre douleur et votre colère, mais je n’accepte pas qu’on mette en cause l’impartialité de la commission d’enquête parlementaire. »

Une autre victime du flashball, Joachim Gatti, signale que les blessés ont « pris très au sérieux cette commission » et ont « regardé toutes les auditions » avant de venir, à leur demande d’ailleurs.

Hormis cet accrochage, les parlementaires se sont montrés plutôt à l’écoute de leurs invités, qui réclament l’interdiction des flashballs et autres LBD, symboles d’une « militarisation de la police », dans les cités comme à Notre-Dame-des-Landes.

« Une extension mutilante de la matraque »

Florent Castineira, dit « Casti », a été blessé aux abords d’un stade de foot, en 2012. Son orbite droit est recouvert d’un pansement, sur lequel il a dessiné un signe hindou. Regrettant que les auteurs de tels tirs fassent l’objet de poursuites judiciaires très limitées, il estime que « la police mutile et la justice couvre ses actes ». Et veut démonter l’un des mythes attachés à ce « moyen de force intermédiaire » :

« Le flashball ne se substitue pas à l’arme de service. D’ailleurs, le nombre de personnes tuées par balles n’a pas diminué. C’est une extension mutilante de la matraque et des lacrymogènes. »

Selon les cas, le tir est arrivé dans un œil, crevé sur le coup, ou à proximité, occasionnant un décollement de la rétine et de multiples lésions au visage. C’est ce qui est arrivé à Quentin Torselli, en février 2014 à Nantes. Depuis ses dix-sept fractures, « tout s’est arrêté socialement et professionnellement » pour cet artisan charpentier de 30 ans.

Sa mère, Nathalie, est également venue faire part de sa « douleur » et de son « incompréhension » :

« Nos enfants ont été éborgnés, marqués à vie. Ils auraient pu être les vôtres. [...] Avant ce drame, nous faisions partie de la masse des citoyens intégrés et engagés dans la sociétés. Nous n’étions pas révoltés, nous le sommes devenus. »

« Ce sont des armes de terreur »

Christian Tidjani, père du lycéen de Montreuil, témoigne aussi de l’emploi du flashball comme outil d’intimidation :

« A Nantes, on a vu des policiers armés de flashballs faire le geste de se mettre la main devant l’œil, pour signifier qu’on risque de le perdre. »

« Casti » acquiesce, devant des parlementaires surpris qui s’agitent à voix basse. Christian Tidjani poursuit, dénonçant « un maintien de l’ordre plus offensif pour certains pans de la population » que pour des agriculteurs de la FNSEA, par exemple.

Joachim Gatti reprend la parole, expliquant que le LBD représente « un changement de la doctrine en actes » :

« L’arrivée d’un canon à eau, une ligne de CRS qui s’équipe, ou les secondes qui précèdent les lacrymos sont perceptibles. Ils s’adressent au corps collectif des manifestants. Le déploiement du flashball ne se manifeste pas. Il ne fait pas reculer, ne disperse pas, mais frappe une seule personne.

Ce sont des armes de terreur, parce qu’elles en frappent un pour terroriser tous les autres. La possibilité même d’agir collectivement est remise en question. »

« Nous avons bien reçu le message »

Pascal Popelin salue ces « témoignages charpentés » – Noël Mamère les qualifie « d’accablants », sans toutefois s’autoriser de commentaire sur les procédures judiciaires en cours. Il n’a pas vraiment de questions supplémentaires :

« Nous avons bien reçu le message de la demande d’interdiction. »

Noël Mamère rappelle avoir demandé, après la blessure de Joachim Gatti, l’arrêt de l’usage des flashballs. Il laisse entendre qu’il reste, personnellement, sur cette ligne, et écarte lui aussi l’idée que le flashball évite le recours à un armement plus lourd.

Le député Guy Delcourt, revenant sur le début de l’audition, demande aux blessés « d’attendre le rapport final » avant de tirer des conclusions sur la passivité de la commission :

« Si l’on a pu vous donner l’impression d’écouter beaucoup les forces de l’ordre, ce n’est pas pour autant que nous acquiesçons. Il n’y avait rien de complice. »

Pascal Popelin renchérit : « Soyez assurés que notre objectif est de faire des préconisations. » Joachim Gatti n’est pas satisfait pour autant et la discussion redevient animée :

« Il ne nous semble pas que le problème soit les circonstances ou le non-respect des règles. Cette arme est toujours susceptible de provoquer de graves blessures, quelle que soit la manière de l’utiliser. »

Il donne l’exemple d’un pompier, touché par erreur à Grenoble dans une manifestation, parce que le pompier visé (porteur d’une lance à eau), s’est baissé. Florent Castineira lâche quelques derniers mots : « Ils nous tirent dessus avec des armes. Nous, on n’a pas d’armes. »

A la sortie, les impressions sont variables. Les uns se satisfont d’avoir été entendus voire encouragés, les autres restent sur leur faim. Tous se réjouissent de s’être déplacés en groupe, pour ce qui ne représentait que l’une des étapes de leur combat.

Marcelo

Author: Marcelo

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