article de libé/ Faut-il porter un bonnet rouge pour échapper à la justice ?

__"Sur Notre Dame des Landes, on a vu que Dame justice a été bien sévère par rapport aux faits reprochés. Une main très lourde en condamnations en tout genres. Hé oui, quand on a le patronat et la FNSEA derrière les révoltes dans le Finistère, le gouvernement ne bronche guère...de peur de casse... inconnu.jpg "On préfère toujours taper sur les petits, on coure moins de risque""__

__Faut-il porter un bonnet rouge pour échapper à la justice ?__ Sonya FAURE 8 novembre 2013 à 11:05




Parmi les «bonnets rouges», seuls cinq manifestants ont été convoqués par un tribunal.Parmi les «bonnets rouges», seuls cinq manifestants ont été convoqués par un tribunal. (Photos Reuters) CHRONIQUE «QUI A LE DROIT ?» Décryptage d'un point juridique au cœur de l'actualité. Aujourd'hui, retour sur la réponse judiciaire aux dégradations liées à des mouvements revendicatifs.

Onze bornes et quatre portiques de collecte de l’écotaxe détruits, la grille d’une sous-préfecture défoncée, des gendarmes visés par des projectiles, des bagarres… Plus de trois mois de colère bretonne et seulement cinq convocations devant le tribunal. Pas question de dire qu’il faut mettre les Bretons au trou, mais la rareté des poursuites pénales concernant des «bonnets rouges», comparée à la répression qui frappe le plus souvent les syndicalistes ouvriers, est flagrante. Les bonnets rouges bénéficient-ils d'une impunité choquante ? Sur le même sujet

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«On peut appeler ça la criminalisation différentielle des mouvements sociaux, explique Jérôme Pélisse, sociologue et coauteur de La lutte continue ? Les conflits du travail dans la France contemporaine (Le Croquant, 2008). C’est une tradition en France : les agriculteurs qui dégradent des locaux de l’Etat bénéficient d’une réponse judiciaire plus rare et plus tolérante que les syndicalistes ouvriers, comme les Conti de Compiègne en 2009, ou plus récemment les Goodyear. Il faut se rappeler que le bureau de Dominique Voynet, alors ministre de l’Ecologie, avait été ravagé par des agriculteurs en 1999. Rien ne s’est passé à l’encontre des auteurs à ma connaissance.»

Face à la colère de certains élus – et craignant sans doute que l’opinion publique ne comprenne pas plus longtemps l’impunité accordée aux Bretons –, le gouvernement a, mercredi, haussé le ton. «Quel que soit le bien public, un portique, un radar, une école, un équipement sportif , ce n’est pas acceptable, c’est contraire aux lois de la République», a assuré Jean-Marc Ayrault. La justice elle aussi, affiche sa nouvelle fermeté : cinq personnes ont été interpellées en marge des manifestations du 2 novembre dernier à Quimper. Elles seront convoquées devant le tribunal correctionnel en novembre. Dans le système judiciaire, le parquet - qui représente la société - a «l’opportunité des poursuites» : c’est lui qui décide de poursuivre ou de classer les affaires, de renvoyer ou non devant un juge.

Refus de prélèvements ADN

Xavier Mathieu, le charismatique leader des ouvriers de Continental qui avait, lui aussi, ravagé une sous-préfecture, n’a en revanche pas longtemps échappé à ses juges. En 2010, il a écopé d’une amende de 4 000 euros. Avant d’être condamné à nouveau, cette fois pour avoir refusé le prélèvement ADN que la justice lui imposait (1 200 euros d'amende). Les prélèvements ADN, réservés à leur origine aux délinquants sexuels, sont désormais imposés aux auteurs de nombreux délits, comme les dégradations commises en réunion. Pour les militants qui refusent de s’y soumettre, c'est alors comme une double peine.

Cinq militants CGT sont ainsi poursuivis depuis trois ans par la justice. Manifestant contre la réforme des retraites en 2010, ils se sont fait arrêter pour avoir tagué des slogans. Ils ont depuis été dispensés de peine (après négociation avec la CGT, le sous-préfet et le député ont retiré leur plainte)… mais ils sont toujours poursuivis pour refus de prélèvement ADN. «Mercredi, nous étions 10 000 militants réunis à Roanne pour les soutenir lors de leur passage devant leurs juges, raconte Jean-Pierre Gabriel, responsable du service juridique de la CGT. Et le soir même, on voyait à la télévision les portiques qui brûlaient en Bretagne… Entre les mouvements portés par le patronat ou les agriculteurs qui ne sont jamais poursuivis et l’acharnement contre les militants syndicaux, c’est le jour et la nuit. Ça nous rend malade.»

Les militants écologistes sont, eux aussi, en général plus promptement poursuivis que les révoltés bretons. «Mais leur cas est différent, nuance Jérôme Pélisse. Les faucheurs volontaires espèrent bien être arrêtés ! Ils cherchent l’enceinte judiciaire comme caisse de résonance pour poser des débats de société. Il s’agit cette fois d’une instrumentalisation de la justice par le mouvement social.» Ou comment retourner la pénalisation des mouvements sociaux à son avantage…

Comparutions immédiates

«Que ce soit des ouvriers, des catholiques de la Manif pour tous ou des ouvriers, le Syndicat de la magistrature est opposé à la répression et à la pénalisation des manifestations, explique Françoise Martres, présidente de l’organisation de gauche. Elle ne fait bien souvent qu’exacerber les conflits. Voyez le cas de ce militant de la Manif pour tous : il est devenu un symbole. Nicolas Buss, condamné pour rébel...» Bien souvent, les manifestants insoumis, les auteurs de dégradations ou de violences se retrouvent devant des juges leur garde à vue à peine achevée, en comparutions immédiates - une justice rapide, qui conduit souvent en prison (1). «Une justice expéditive», estime Françoise Martres, alors que l’identification des auteurs de délits dans un mouvement de foule est parfois compliquée et mériterait une enquête plus longue.

Le droit ne distingue pas les délits, qu’ils soient commis par un syndicaliste ou un jeune désœuvré, dans le cadre d’une manifestation ou d’une soirée arrosée. Dans le code pénal, l’infraction est la même pour tous, mais le juge a la possibilité d’apprécier les circonstances dans lesquelles elle a été commise, et estimer que la colère sociale justifie une sanction plus douce. C’est d’ailleurs une revendication de la CGT : que l’action collective, «si elle est menée dans l’intérêt général», précise Jean-Pierre Gabriel, constitue une circonstance atténuante inscrite dans le code pénal.

A l’heure actuelle, la peine peut être, au contraire, alourdie au gré de circonstances aggravantes, qui collent à l’action collective : dégrader un objet d’utilité publique est plus lourdement sanctionné et les violences en réunion sont plus graves que lorsqu’on les commet seul. L’un des «bonnets rouges» poursuivis l’est justement sous ce motif. Participation armée à un regroupement

Les sanctions collectives n’existent bien sûr pas en droit. En revanche il existe plusieurs délits qui s’appliquent bien aux mobilisations collectives. Comme la participation armée à un regroupement. C’est l’un des motifs de poursuite d’un des Bretons : l’homme portait une cagoule et s’était muni d’une fronde, selon le parquet général de Rennes. Participer à un attroupement susceptible de troubler l’ordre public ou à une manifestation illicite (non déclarée à la préfecture par exemple) est aussi illégal. Un bonnet rouge a été arrêté ce week end pour «participation à une manifestation malgré sommations» : «Il répandait du white spirit sur le sol pour dresser un rideau de feu entre manifestants et gendarmes», explique le parquet général de Rennes. Les violences sur les forces de l’ordre sont évidemment un grand classique des poursuites engagées après les mobilisations : c’est le cas de deux autres insurgés bretons interpellés ce week-end. L’un est suspecté d’avoir donné des coups de poing donnés aux gendarmes mobiles, l’autre d’avoir jeté des bouteilles sur les forces de l’ordre, toujours selon le parquet général.

Une autre tradition française consistait à voter, à intervalles réguliers, une loi d’amnistie sociale – pour éteindre les poursuites des infractions les moins graves commises lors de mobilisations sociales. Au printemps, le Front de gauche avait écrit une proposition de loi en ce sens, votée par le Sénat. Elle a été enterrée par le gouvernement - qui pensait prouver là sa fermeté face aux délits quels qu'ils soient - et la commission des lois de l’Assemblée. Ironie: le président de celle-ci, Jean-Jacques Urvoas, est un élu breton.

(1) Selon une enquête de l’Observatoire des comparutions immédiates monté par la Ligue des droits de l’homme à Toulouse, 57% des audiences en comparution immédiate menaient en prison, et leur durée moyenne était de 36 minutes.

Marcelo

Author: Marcelo

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